you make it real for me. (gises)

La journée avait défilée à une vitesse folle. Pas moyen de prendre le temps de profiter de la ville active que pouvait être la fameuse Philly qui bordait la petite bourgade dans laquelle tu vivais depuis plus d’une dizaine d’années. Au petit matin, tu avais reçu un coup de fil à la dernière minute pour un entretien de stage dans une galerie où tout était à refaire, à mettre en œuvre. Un stage qui pouvait te permettre de décrocher des lettres de recommandations afin de vouloir beaucoup plus loin. Ta carrière professionnelle avait toujours était une source d’ambition pour toi, mais pour la première fois depuis des années, tu désirais expérimenter beaucoup plus loin comme pousser par une mélancolie du passé. Tu apprêtais une tenue approprié pour un entretien sans être trop sophistiquée, tu avais grandement horreur de cela. Dans ta hâte à te vêtir le matin même, tu avais opté pour une simple robe bleue aux couleurs de la saison printanière, histoire d’être à la fois présentable et à l’aise dans tes baskets malgré tout. Un lundi qui démarrait sur les chapeaux de roues, mais qui sonnait de manière positive puisque le propriétaire de la galerie d’arts avait été ravi par tes compétences et tes qualités. Te voilà parait pour les prochaines vacances d’été : un stage de quelques semaines dans ton domaine de prédilection, sans omettre ton boulot au café, voilà de quoi t’occuper et cela te faisait plaisir. Penser. En ce moment, ta tête partait à la dérive de tes songes aux réflexions bien trop nombreuses. La soirée était déjà bien entamée lorsque tu étais sortie de ton rendez-vous avec ton nouveau patron, et certaines de tes amies avaient insistées pour t’accompagner, te soutenir avaient-elles dit ? Tu sais qu’il n’en demeurait rien, elles étaient tout bien trop accro au shopping et Philadelphie leur offrait ce qu’il n’y avait pas à Woodley Mills. Tu secoues la tête amusée par cette pensée, cela avait toujours eu le don de t’amuser. Amélia se propose pour te ramener mais tu sais que son petit ami l’attend pour passer la soirée, quand à Jocelyn elle n’habite qu’à quelques plusieurs pâtés de maison de là et prend le métro pour s’y rendre. Une perspective que tu n’arrives plus à envisager depuis le décès de ta mère voilà plusieurs années en arrière. La station de métro reste un des lieux les plus angoissants pour tes souvenirs, des vestiges bien trop violents aux images peu louables. Chassant cette idée de ton esprit, tu passes une main dans tes cheveux bruns avant de décliner poliment la proposition de tes camarades. Tu les quittes quelques minutes plus tard, en montant dans un taxi pour reprendre le chemin du retour. Ton véhicule était entre les mains de ta jeune sœur qui désirait impressionner soit disant l’un de ses étudiants musclées par l’ascension des bolides et dont le quotient intellectuelle se calculait en terme musculaire. Tu te demandais bien ce qu’elle pouvait leurs trouver à ceux-là. Assise à l’arrière de la voiture jaune tapante, tu observes d’un geste coutumier l’écran de ton cellulaire qui t’indique deux appels en absence : Hannah. Elle te proposait de la rejoindre au Black Lion, pour te prouver – mais surtout te montrer – combien le garçon sur lequel elle craquait en valait la peine. Tu ricanes intérieurement tout en te laissant aller contre le dossier de la banquette arrière. Quelques kilomètres et billets plus tard, tu entres au sein du bar. La musique d’une basse s’élève au-dessus des nombreuses discussions bruyantes qui fusent un peu partout. Tu aimes l’ambiance qui se dégage de cet endroit, c’est plus fort que toi. D’un mouvement circulaire tu balayes les lieux lorsque ton visage se pose sur la silhouette coutumière du propriétaire du Black Lion. Jay était installé à quelques mètres du comptoir du bar, un verre placé devant lui tout en te faisant signe de le rejoindre.  « Que fais-tu à encore traîner dans le bar le plus malfamé de Woodley Mills? ». Son timbre narquois est toujours égal à lui-même, et c’est sans doute ce que tu apprécies le plus chez lui, son humour spontané. Vous ne vous connaissiez que depuis quelques mois, mais le courant était très rapidement passé. Il était d’un naturel détendu et communicatif qui faisant son charme et alléger les conversations comme si vous étiez de vieux camarades. « Tu as vu un peu ça ? En plus, je me retrouve encerclé de jeunes délinquants et le gérant des lieux une véritable canaille dont il faut se méfier. ». Répliques-tu à ton tour d’une moue moqueuse, avant de t’assoir sur le siège en face de lui. Tu le considères d’un sourire complice et sincère avant de chercher ta sœur brièvement du regard.

Lorsqu'il vit Gises s'approcher, il replia rapidement les dossiers, mit les feuilles dans les documents et rangea ça dans un coin de la table. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas Gises voit le contenu ou quoi que ce soit mais c'était surtout parce c'était un vrai bordel. Des formulaires non remplis, du fluo partout, des textes barrés, tout ça ne rendait pas vraiment la chose professionnelle. « Tu as vu un peu ça ? En plus, je me retrouve encerclé de jeunes délinquants et le gérant des lieux une véritable canaille dont il faut se méfier. » fut la réponse de la jeune femme. Ces mots arrachèrent un sourire à Jay qui avait l'habitude des piques ironiques de la demoiselle. Beaucoup de personnes se demandaient pourquoi Leon Bingells avait légué son bar à un quelqu'un qui venait tout juste d'arriver en ville et qui plus est, était très jeune. Les gens se persuadaient que c'était parce que Leon connaissait la famille de Jay, les Bakowski, depuis toujours et étant donné qu'il n'avait aucun fils et donc pas de successeur légitime, l'héritage serait donné à l'un des enfants Bakowski. Leon savait que donner les charges de son bar à Alden était trop risqué. Il était sur que celui-ci connaissait bien la ville et ses habitants mais son irresponsabilité légendaire le mettait totalement hors course. Jay, de l'autre côté, était le candidat parfait. Calme, responsable, n'étant pas du genre à piquer un verre en douce durant le travail et en plus diplômé en management/économie, parmi tous il correspondait le mieux aux critères de Leon. Néanmoins, en emménageant à Woodley Mills, ne s'imaginait pas du tout cette carrière. Maintenant qu'il avait accepté sous la pression, il avait le devoir de remplir les charges de gérant et même si tout était nouveau pour lui, le travail restait le travail et il devait l'accomplir. « Je le trouve pas mal effrayant avec sa carrure fort imposante » plaisanta-t-il, toujours prêt à faire un peu d'auto-dérision. La brunette s'installa devant lui, chose naturelle qu'elle fit puisque les deux avaient l'habitude de traîner dans le bar dans la journée à parler de tout à n'importe quoi pouvant aller de divers sujets comme la politique aux différentes marques de bière du coin. Ce qui était sur avec cette relation c'est qu'elle était simple et lorsqu'il lui parlait, il ne s'ennuyait pas et rigolait toujours de bon coeur. Bien qu'il était du genre plutôt fort amical, il était plutôt considéré comme quelqu'un d'introverti et de relativement timide quand il était question de sociabiliser. Étrangement, quand c'était à propos d'examen, d'entretien d'embauche, meeting ou réunion, il était une autre personne et faisait preuve de beaucoup d'éloquence.  Gises semblait chercher quelqu'un du regard ce que Jay remarqua tout de suite. Balayant à son tour la salle, il ne voyait pas vraiment qui mais après tout, comment pouvait-il savoir, il ne connaissait que le barman et Gises dans cette pièce.  « Tu attends quelqu'un ? » demanda-t-il tout simplement en buvant une gorgée de sa bière. Un gars peut-être? Il reprit la parole avec un ton taquin « Il ne faudrait pas que cette personne te voit avec la canaille qui sert de gérant ». Bravo pour la touche d'humour Jay, bravo.   se dit-il sarcastiquement tout bas dans un recoin de sa tête. Il était le genre à dire des blagues que personnes comprenaient, faire des références totalement inconnues ou encore sortir des phrases hors contexte sans le vouloir. C'est vrai qu'il lui arrivait d'être drôle des fois mais oui.. des fois.

Bien que tu te sois dirigé en sa direction, tu avais pleinement pris conscience que le jeune homme était en plein comptes ou bien plein boum comme pouvait souvent dire ton paternel. Il avait rapidement rangé ses papiers à l’intérieur d’une pochette comme masquer son activité – sans doute mal organisée du moment – une attitude spontanée qui avait le don de déclenché un sourire de ta part. En reprenant le Black Lion, Jay n’avait pas eu le moins du monde froid aux yeux, il avait l’audace nécessaire pour redorer le bébé de Léon, lui apporter un nouveau souffle de vie, une seconde jeunesse dont il avait bien besoin. Tu fréquentais davantage cet endroit depuis qu’Alden t’avait annoncée sa réouverture voilà quelques mois en arrière. Ce bar était une ouverture sur l’air d’aujourd’hui, et tu aimais entendre la musique des artistes en direct et non derrière des caisses de sons comme cela pouvait être le cas dans plusieurs commerces de nuit des environs. Certains des membres de ton entourage privilégiait les endroits confinés de Philadelphie, en ce qui te concernait tu préférais largement la simplicité et la bonne ambiance. Tout cela, le jeune brun de vingt-six années était parvenu à le rassembler. Une fois installé en face de lui, tu lui fais part de ton avis sur l’actuel propriétaire des lieux toujours dans une vision au second degré. Et comme toujours – depuis que tu le connaissais – il partait avec toi dans cette discussion de dérision totale. « Je le trouve pas mal effrayant avec sa carrure fort imposante ». Tu secoues la tête amusée par son assertion tout en le détaillant de haut en bas pour donner du sens à ces propos. C’était une chose de discuter avec un simple ami et s’en était une autre de dialoguer avec Jay Bakowski. Il possédait cette légèreté qui manquait à certains membres de ton entourage, rien ni personne ne lui ressemblait. Vous pouviez disserter d’un sujet en sautant du cop à l’âne comme si cela paraissait naturel ou bien avoir des opinions complétements divergentes mais cela ne partait jamais en vrille. Bien au contraire, la complémentarité semblait réellement avoir sa place. Alden t’avait souvent confié combien son cousin était du genre à ne pas trop être bavard, solitaire et peu communicatif envers autrui. Pour autant, sans te soucier de ces propos à son égard tu le trouvais bien différent ce qu’il t’avait dépeint du caractère de Jason. Tu avais du mal à saisir pourquoi il t’avait demandé de faire attention avec celui qu’il considérait comme son propre frère. « C’est certain … mais d’une certaine manière en ce qui me concerne je dirai plutôt qu’il est bienveillant et que son ossature nous ferait réfléchir à deux fois avant de chercher des ennuis. ». Lui dis-tu toujours ce sourire naturel accroché à tes traits. Ces derniers temps, tu avais pris quelque peu les distances avec ta famille – bien que cela ne se voyait peu – ton moral étant en berne. Pourtant en la présence du jeune homme, tes soucis semblaient balayés en un rien de temps. Assise en face de lui, tu ne peux t’empêcher néanmoins de porter une œillade curieuse pour savoir si ta cadette était dans les parages, après tout c’est elle qui avait insisté pour te présenter ce type.  « Tu attends quelqu'un ? ». Ta recherche furtive n’a néanmoins pas échappé à ton voisin de table qui imite ton geste tout en portant sa bière à ses lèvres. « Quoi ? Non … Attend tu penses que je suis ici pour un gars pas vrai ? ». L’interroges-tu en rigolant complétement amusée par la situation. « Es-tu sur de m’avoir bien observé ? Non, je regardais pour voir si ma sœur était dans le coin elle veut me présenter un gars pour lequel elle craque, un quaterback qu’elle juge au-delà de toutes qualités intellectuelles, mais juste sur son physique. ». Poursuis-tu tout en désignant de la main droite le verre de Jay au barman se trouvant à l’autre bout de la salle. Il te sourit de toutes ses dents comme à son habitude, il sait ce que tu commandes : un cocktail sans alcool, ta maladie – bien que derrière toi – te rappelant toujours à l’ordre. Toute manière tu n’as jamais supporté les boissons alcoolisées. « Il ne faudrait pas que cette personne te voit avec la canaille qui sert de gérant ». Son ton espiègle laisse place à quelques sous-entendus et tu fronces légèrement les sourcils tout en retournant vers lui. « J’aime bien cette canaille de gérant moi, le reste je m’en fiche un peu tu sais. Au moins il a de la conversation et un sens de l’humour comme personne. ». Tu le considères d’un sourire sincère et amical. L’humour de Jay pouvait être à des milliers de kilomètres du présent quelques fois, mais cet humour était rare mais tu l’aimais bien.